Mali: Un boom de l’immigration irrégulière sous silence

Tombouctou, la grande ville du nord Mali, frontalière de l’Algérie et de la Mauritanie devient de plus en plus un carrefour migratoire avec des milliers des personnes venant   des autres régions du Mali, de la sous-région, et de certains pays anglophones en route pour les pays maghrébins et l’Europe.

 Des migrants transitent par le désert de la 6ème région administrative du Mali malgré l’insécurité, la présence des groupes terroristes et les tous les harcèlements dont ils peuvent faire l’objet. Ils sont à la recherche d’une vie meilleure. Ils viennent de la Cote d’ivoire, du Burkina Faso, de la Guinée Conakry, du Sénégal, du Togo, du Niger, du bénin du Cameroun, de la Gambie, du Nigeria …

Des jeunes, hommes et femmes, à la recherche d’une vie meilleure

Ces jeunes, dans la plupart des cas, quittent leurs différents pays pour des raisons économiques ou fuient leurs pays parfois pour des raisons politiques, sociales (chômage, pauvreté, homosexualité…) espérant trouver mieux en Europe.

Mais, il est à noter que parmi cette vague de migrants, peuvent se trouver des délinquants qui fuient la prison après qu’ils aient commis un meurtre ou des voleurs qui sont recherchés par la police. D’autres, victimes de stigmatisation, des stéréotypes ou de maltraitance dans leurs sociétés recherchent l’anonymat et la quiétude en Europe.

Nombreux sont les migrants qui préfèrent la traversée du désert, si périlleuse et l’exercice d’emplois qu’ils jugent gênant dans leurs pays d’origine. » je préfère faire de mon mieux pour parvenir en Europe et trouver un travail. Je sais que l’argent que je vais gagner a beaucoup plus de valeur et je vais rapidement recouvrer ce que j’ai dépensé pour arriver en Europe » Nous convie Moctar D., un jeune migrant Guinéen, au bord du 4X4 qui relie Mopti à Tombouctou.

Pour Serge A., jeune camerounais qui veut parvenir en Angleterre, partir est la seule manière de réaliser son rêve de joueur professionnel de football » j’ai déjà 18 ans, j’ai fait assez de temps au centre foot et je ne vois pas comment je deviendrai footballeur professionnel en Europe. Il faut que j’arrive là-bas et j’aurai la chance de rencontrer des agents d’un club ».

Rapport accablant de l’OIM de février 2022

Selon un rapport de l’organisation internationale des immigrants (OIM)publié en février 2022, à travers l’outil de suivi des flux de populations (follow Monitoring) de la matrice de suivi et des déplacements (DTM), au total 35307 migrants ont été observés au niveau des différents points de suivi des flux transfrontaliers (20351 individus entrant au Mali par les FMP et 14956 individus sortants du Mali par les FMP (Point de Flux des populations du Mali). La moyenne journalière des flux est de 1261 soit une hausse de 14% par rapport au mois de janvier.

Le même rapport indique qu’au cours du mois de février, la moyenne journalière des flux observés au point de suivi de Tombouctou a connu une augmentation de (21%) par rapport au mois précédent.

Le parcours du combattant pour le migrant

Dans cette traversée du désert de Tombouctou dans l’espoir de retrouver quelque part dans le monde ce qu’ils peinent à retrouver ou exercer chez soi, les immigrants rencontrent des difficultés de plusieurs types.

Ces difficultés varient d’une nationalité à une autre. Lorsque que le migrant est de nationalité malienne ou qu’il possède des papiers d’identité d’un malien (une option possible), il a moins de tracasseries sur la route qui le mène de la capitale malienne à la cité des 333 saints ou à Gao. Seule la présence du convoyeur qui est toujours connu des forces de l’ordre, peut leur attirer la convoitise de ces derniers.

Les migrants des autres nationalités sont arnaqués à tous les niveaux. Le billet des vieux véhicules qui relient Mopti (Centre) à Tombouctou leur sont vendus plus chers. Pour un billet qui coûte normalement 12.500 F CFA, le migrant étranger paye de 20.000 F CFA à 30.000 F CFA. En plus, chaque migrant paye une somme de 10.000 F CFA aux postes de Police pour passer sans contrôle d’identité.

Ils entrent dans une filière bien huilée de traite de personne, car ils se retrouvent entre les mains de convoyeurs appelés « cokseur » qui se chargent d’eux jusqu’à leur départ de Tombouctou pour l’Algérie à travers les routes des fraudeurs/chauffeurs.

Des conditions de voyage ponctuées par le racket sur les axes routiers

Après avoir été mis en contact avec les chauffeurs par les convoyeurs, ils règlent le prix du billet de transport pour continuer sur l’Algérie, il n’y a pas un prix fixe mais les prix varient d’une nationalité à une autre, pour les maliens le prix commence de 35000fcfa à 75.000FCFA et 50.000 F CFA à 125. 000 FCFA ou plus. il faudra savoir marchander. C’est après avoir payé les billets que les immigrants embarquent dans les véhicules qui parcourent les dunes de sables avec leur cargaison à travers le désert avec pour seul boussole, l’expérience du chauffeur.

Les migrants voyagent dans des conditions inhumaines, extrêmement dangereuses et dévastatrices. Ils sont entassés les uns sur les autres, 30 à 35 personnes à l’arrière d’un pickup de type 4×4, risquant parfois asphyxie. Parmi ces migrant, on peut trouver des femmes enceintes et des enfants.

Ces candidats pour la traversée vers l’Europe embarquent à bord de ces véhicules en se répétant la loi du « Chacun pour soi, Dieu pour tous », car se sachant vulnérables aux mains de milices qui disposent des checkpoints le long de leur parcours dans le désert. Là aussi, il faudra payer 2000 à 5000 dinars pour continuer son chemin.

Celui qui ne pourra payer ces racketteurs s’expose à des coups de fouets et risque de se faire dépouiller de tout objet de valeur (téléphone, chaussures…).

Il faut noter aux titres des difficultés rencontrées, le risque de voir les véhicules tomber en panne en plein désert. Il peut ainsi arriver d’avoir une rupture de leur provision d’eau et de nourriture, la mort tuant tout rêve d’une vie meilleure.

Entrer en Algérie à pieds

véhicule de voyage dans le desert utilisé pour convoyer les migrants dans le desert

 

Les chauffeurs leur promettent toujours de les amener en Algérie mais ne tiennent jamais leur promesse. Les immigrants embarqués à Tombouctou sont souvent abandonnés à eux même dans un petit village situé à 100 km du nom d’Inafara. Les chauffeurs évoquent la rigueur de l’armée algérienne aux frontières pour les abandonner à leur pauvre sort. C’est au compte-goutte qu’ils franchissent la frontière Algérienne et là commence un autre combat : trouver d’autres convoyeurs pour continuer leur chemin vers l’Europe ou un retour vers leurs pays à travers l’OIM qui les rapatrient par avion cette fois-ci avec tout un kit de désinsertion.

Paroles de migrant

« Personne ne peut comprendre notre situation, à moins que tu ne sois dedans. Nous sommes dans le chômage, tu es tous les jours obligé de subir les moqueries de tes proches, les insultes de tes voisins et la stigmatisation des habitants du quartier juste parce que tu ne travailles pas. C’est comme si c’est j’avais décidé de ne travailler. C’est pour cette raison que je veux partir en Europe. Je préfère affronter tous les dangers du nord, l’abus des agents de poste pour aller travailler afin de me faire respecter. Je suis animé d’un courage inflexible et je préfère mourir que de continuer à subir les railleries de mes proches. » Ousmane Djénépo immigrant 

Par Mahamane Tounkara

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